Pour
faire partager leur passion de la musique à des enfants issus de milieux moins
favorisés, Arnault et Quentin créent Musique
pour tous dans leur ville d’Issy-les-Moulineaux. En animant gratuitement des
ateliers collectifs de guitare pour des enfants souvent récemment arrivées en
France, les jeunes bénévoles apprennent tout autant que leurs
élèves. J’ai rencontré Arnault, président de l’association.
C’est
dans les locaux prestigieux d’une grande entreprise de conseil, lors du Dreamstorming Solidaire
organisé par Ashoka et le Groupe SOS, que j’entends pour la première fois
Arnault défendre son projet : "Je pense que nous sommes tous
convaincus ici que la musique a cet extraordinaire pouvoir de créer des liens
durables qui sont source de confiance et de bien-être". Une phrase qui
fait sens et qui me donne instantanément envie d’en savoir plus. De la
simplicité, un enthousiasme communicatif, un projet ambitieux. Arnault et ses
amis ont entre 17 et 18 ans.
Autour
d’un café, non loin des locaux où l’association Musique pour tous
organise deux fois par semaine ses ateliers de guitare, Arnault accepte de me
parler de son parcours. Il est conscient d’avoir grandi avec tous les engrais
du bonheur : une famille aimante, des amis, du sport, de la musique.
Beaucoup de musique. Solfège et piano classique au conservatoire, classe
musique pendant les années collèges, chorale, apprentissage autodidacte de la
guitare, premier groupe de rock…
A
Issy, des enfants et des animateurs
En
grandissant, les jeunes musiciens se retrouvent dans des lycées séparés.
Arnault et Quentin forment pourtant un duo de guitaristes et aimeraient pouvoir
continuer à jouer ensemble. En demandant aux élèves de mener une action
citoyenne, c’est le lycée de Quentin qui leur donne une idée. Pourquoi ne pas
proposer des ateliers de musique à des enfants qui n’auraient encore jamais eu
l’occasion de toucher un instrument? La musique est souvent perçue comme un
luxe alors que, pour les deux garçons, c’est un droit universel ! Le raisonnement est
simple : faire partager leur passion à des enfants et, par la même
occasion, apprendre à mieux se connaître en tant que musiciens partenaires.
« On
est convaincu que la musique a ce pouvoir de rapprocher les gens. On se lance dans ce
projet en étant persuadé que ce ne sera pas une contrainte, mais un bénéfice
pour tout le monde », raconte Arnault.
Beaucoup
d’énergie et quelques déboires administratifs plus tard, les deux garçons
donnent leur premier atelier de musique à l’automne 2011. Pour cela, ils se
sont rapprochés de l’Association de Solidarité avec les Travailleurs Immigrés
(ASTI) qui accueille tous les soirs, après l’école, des enfants de familles
immigrées pour l’aide aux devoirs ou pour des activités de loisirs. L’ASTI
ouvre ses portes aux deux musiciens et l'initiation à la
guitare débute pour quatre enfants curieux et motivés.
Faire
grandir le projet
Début
2012, les choses s’accélèrent : création de la junior association Musique
pour tous grâce à l’appui du centre Cultures, Loisirs, Animations de la
Ville d’Issy-les-Moulineaux (CLAVIM), obtention de la toute première subvention
qui permet d’acquérir sept guitares destinées à être prêtées aux musiciens en
herbe et participation au concours « Dream it
do it : Jeunes Changemakers »
organisé par Ashoka.
« Pendant
ces six mois, on était tout le temps sous adrénaline,
ça a été le tournant de ma jeunesse ! », s’enthousiasme Arnault.
« Ce qui me plaît, c’est la recherche de solutions. Ashoka nous dit que nos
idées méritent d’être entendues et nous donne confiance pour nous lancer». A
l’issue d’un accompagnement qui les aide à davantage formaliser leur projet,
les deux fondateurs de Musique pour tous
obtiennent un prix.
Avant
les vacances d’été, certains des enfants ayant participé à l’atelier
interprètent « Smoke on the water » des Deep Purple devant une
cinquante de personnes réunies à l’occasion de la fête de l’ASTI. Les deux
bénévoles les accompagnent à la guitare électrique; les parents sont
ravis. Pour Arnault, « C’est à partir de là qu’on a pris conscience qu’on
avait une responsabilité vis-à-vis
des enfants ». Les deux initiateurs décident alors de passer à la vitesse
supérieure : le recrutement de nouveaux bénévoles. Dès la rentrée scolaire
2012, deux ateliers réunissent chaque mardi et chaque vendredi deux
bénévoles et six enfants.
La
suite, c’est Musique pour tous dans d’autres villes de la région
parisienne puis, pourquoi pas, dans toute la France. En attendant, les futurs
bacheliers s’apprêtent à démarrer des études difficiles, les fameuses classes
préparatoires aux grandes écoles. Mais là encore, il n’y a aucune raison de se
décourager. Au contraire, toute difficulté peut être un prétexte à
innover : « Pour des étudiants, le principal obstacle à l’engagement
dans des projets citoyens, c’est le temps, »
analyse Arnault qui réfléchit à un système de relais qui permettrait aux jeunes
porteurs de projets de confier de façon transitoire la gestion de leur
association. D’autres étudiants, des jeunes en service civique, mais aussi des
personnes retraitées, des salariés… autant de pistes envisagées pour continuer
à développer ce beau projet.
Impacts
- La découverte de la musique, gratuitement, pour une douzaine d’enfants ayant la plupart entre 8 et 12 ans.
- Tout en apprenant à jouer d’un instrument et en se faisant plaisir, ces enfants s’exercent à « faire groupe » et à se concentrer, ce qui peut avoir à terme des effets positifs sur leurs résultats scolaires, sur leur bien-être ainsi que sur leurs relations avec les autres enfants à l’école.
- Les enfants peuvent emprunter la guitare pour jouer à la maison, devant leurs parents, ce qui est susceptible de renforcer les échanges dans les familles concernées.
Des ponts
entre des jeunes de familles plutôt privilégiées et des enfants de familles immigrées et souvent moins favorisées, y compris des enfants arrivés depuis moins d’un an en France.
Une expérience, des
compétences
- Confiance: en soi et dans le fait que l'on peut, même modestement, faire bouger les lignes.
- Esprit d'équipe: savoir motiver ses camarades, repérer les compétences de chacun pour répartir au mieux les rôles.
- Concentration, gestion du temps et des priorités: Arnault en est convaincu: "mes notes ont augmenté dans toutes les matières grâce au surplus de travail que j'avais. La clé pour bien travailler, c'est de sentir que l'on se réalise".
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